La planification du cycle de vie permet aux gestionnaires de biens d'évaluer leurs décisions d'un point de vue durable et orienté vers l'avenir. Il existe différentes méthodes et solutions pour planifier les futures activités de maintenance sur différents types d'actifs. La planification du cycle de vie peut être considérée comme l'état de l'art pour trouver les solutions d'entretien les plus efficaces et les plus adéquates. Ainsi, elle devrait être appliquée en particulier aux actifs dont la forte détérioration affecte les différentes parties prenantes.
Les chapitres suivants présentent la méthode de planification du cycle de vie dans le cadre de la gestion moderne des actifs. Ces chapitres se concentrent sur la modélisation, la planification, l'investissement, l'allocation des ressources et les procédures de génération d'un plan de cycle de vie holistique.
Les objectifs de la planification du cycle de vie peuvent être résumés comme suit (UKRLG et HMEP, 2013) :
La planification du cycle de vie décrit l'approche à adopter pour maintenir un actif de sa construction à sa destruction. Elle implique la prévision des performances futures d'un actif, ou d'un groupe d'actifs, sur la base de scénarios d'investissement et de stratégies de maintenance. Le plan de cycle de vie est le résultat documenté de ce processus (UKRLG et HMEP, 2013).
Les plans de cycle de vie peuvent être utilisés pour démontrer comment les exigences de financement et/ou de performance sont atteintes par des stratégies de maintenance appropriées, avec pour objectif de minimiser les dépenses tout en fournissant la performance requise sur une période de temps donnée (AIPCR 2000).
La planification du cycle de vie peut être appliquée à tous les actifs de l'infrastructure routière et peut adopter une série d'approches simples en fonction de la maturité de l'organisation et des compétences et capacités de son personnel. Toutefois, son application peut être plus bénéfique pour les actifs qui ont la plus grande valeur, nécessitent un financement considérable et sont à haut risque et/ou considérés comme des actifs critiques. Dans certains cas, des approches complexes peuvent être appliquées et, dans ces circonstances, des données de meilleure qualité et des techniques de modélisation prédictives seront souvent nécessaires. Lorsque les données disponibles sont minimales, une approche plus fondamentale ou fondée sur le risque peut être adoptée, comme indiqué au point 2.3.
Le cycle de vie d'un bien couvre les étapes suivantes :
Figure 2.4.2.1 Le cycle de vie d'un actif d'infrastructure
Des stratégies d'entretien peuvent être élaborées qui tiennent compte des différentes options de traitement et qui équilibrent le renouvellement et l'entretien courant. Ces stratégies doivent prendre en considération la durée de vie de chaque option de traitement et équilibrer les coûts sur une période de temps planifiée. L'objectif de ce processus est de fournir un plan de cycle de vie pour un actif qui soutiendra la mise en œuvre de la stratégie et des objectifs de gestion de l'actif. Lors de l'application d'une approche de cycle de vie, les questions suivantes peuvent être posées pour une période de planification à court, moyen et long termes pour chaque actif :
L'adoption d'une approche par planification à ‘échelle du cycle de vie aide les organisations à appliquer les principes de la gestion des actifs pour établir des normes de maintenance qu'elles peuvent se permettre et/ou qui sont souhaitables.
La performance souhaitée est déterminée en fixant les principes d’entretien concourrant à l’atteinte des objectifs de performance, comme décrit dans la section 1.4. La performance actuelle des actifs est évaluée par la collecte d'informations et de données, selon l'approche décrite au point 2.1. et le suivi de la performance, comme décrit au point 2.2.
En règle générale, les principes d’entretien auront été choisis pour chaque type ou groupe d’actifs. Ces principes se coordonnent normalement avec les seuils de maintenance mais peuvent varier en fonction de la maturité de l'organisation qui applique les principes de planification du cycle de vie. Il convient de reconnaître que différentes exigences de performance peuvent également être adoptées dans différentes hiérarchies de réseau. Par exemple, les routes stratégiques peuvent avoir des principes d'entretien différentes de celles des routes rurales moins fréquentées.
Lorsque les actifs doivent être maintenus dans un état stable, le plan de cycle de vie doit être élaboré pour répondre aux exigences de performance existantes, comme le montre la figure 2.4.2.2.
Figure 2.4.2.2 Niveau declenchement de l'entretien et performance de la chaussee
Une approche de planification du cycle de vie permettra de déterminer la stratégie de maintenance pour tous les actifs. Toutefois, les principaux actifs, ceux pour lesquels l'investissement et/ou le risque seront les plus importants, doivent être considérés comme prioritaires lorsque les ressources sont rares. La planification du cycle de vie est donc susceptible d'apporter les plus grands avantages aux actifs pour lesquels des investissements importants sont réalisés, notamment les chaussées, les voies piétonnes, les structures et l'éclairage.
Le processus de planification du cycle de vie est illustré à la figure 2.4.3.
Figure 2.4.3 Processus de planification du cycle de vie (UKRLG et HMEP, 2013)
Le degré de prise en compte de chaque aspect, ainsi que sa sophistication, dépend du stade de maturité de l'organisation et des avantages qu'elle obtiendra en investissant dans une approche de cycle de vie.
Lors de l'élaboration d'un plan de cycle de vie, le groupe d'actifs et/ou ses composantes doivent être identifiés au niveau du réseau, les actifs similaires étant regroupés et agrégés. L'approche de la sélection et du regroupement des actifs (voir section 2.1) peut être résumée comme suit :
Les données relatives aux actifs pour la planification du cycle de vie doivent être disponibles auprès de l'organisation via un système de gestion des actifs, un registre des actifs ou un système de gestion de la maintenance (voir section 4.1). En règle générale, les éléments suivants sont nécessaires à l'élaboration des plans de cycle de vie :
Les besoins en données pour la planification du cycle de vie doivent être identifiés dans le cadre de l'approche globale (voir section 2.1). Cela peut nécessiter la collecte de données spécifiques pour les groupes d'actifs concernés et leurs composantes.
La fiabilité, la qualité et la quantité des données disponibles, y compris les données d'inventaire et les performances historiques des traitements, doivent être évaluées avant d'élaborer des plans de cycle de vie. En général, plus la confiance dans les données disponibles est grande, plus la confiance dans le plan de cycle de vie est grande.
Les plans de cycle de vie doivent être mis à jour régulièrement à mesure que de nouvelles données sur les actifs deviennent disponibles. Les plans doivent également être revus en fonction de tout changement dans l'approche de la gestion des actifs.
Les éléments d'entrée pour la planification du cycle de vie sont les suivants :
Inventaire des actifs : il s'agit du nombre, de la taille et/ou des dimensions des actifs à analyser. Pour un projet d'entretien de la chaussée, il s'agira de la longueur et de la largeur de la zone de traitement.
Période d'analyse : Il s'agit de la durée sur laquelle les coûts de maintenance doivent être évalués. Elle doit s'étendre sur au moins un cycle de vie complet du bien/traitement considéré. Une fois qu'une période d'analyse a été choisie, elle doit être appliquée de manière cohérente à toutes les options de maintenance envisagées. Si ce n'est pas le cas, il sera impossible d'établir des comparaisons significatives entre les plans de cycle de vie.
Options de traitement : Une option de traitement doit être choisie pour le plan de cycle de vie et peut être prescrite pour chaque stratégie de maintenance. Les options peuvent aller de travaux superficiels à petite échelle au remplacement ou à la reconstruction importante. Une gamme d'options de matériaux ou de types de spécifications doit être envisagée. Pour un projet d'entretien de la chaussée, les options de traitement comprendront probablement une gamme de profondeurs de traitement.
Durée de vie : La durée de vie d'un bien ou d'un traitement déterminera le calendrier des futures interventions de maintenance. L'utilisation de durées de vie réalistes et réalisables est d'une importance primordiale dans la planification du cycle de vie. Les durées de vie doivent être déterminées localement et reposer sur un certain nombre de facteurs, notamment l'historique des performances, le type de matériau, les spécifications (y compris les règles de l’art et la qualité de l'exécution), l'environnement local et la demande (comme les niveaux de trafic et la consommation d'énergie, qui ne s'appliquent pas nécessairement à tous les actifs). Ces facteurs sont basés sur l'expérience pratique, mais ils pourraient être modifiés pour s'adapter aux pratiques locales ou aux antécédents de performance.
Prix unitaires : Il s'agit du coût par unité de mesure (nombre/longueur/surface/volume) pour entretenir un bien ou une partie d'un bien. Il peut s'agir, par exemple, du prix au mètre carré pour appliquer un traitement de surface particulier à une chaussée ou du coût de remplacement d'un seul mât d'éclairage. Il est important que l'ingénieur apprécie ce qui est inclus dans un taux particulier et qu'il soit conscient de toutes les hypothèses qui ont été utilisées pour en calculer la valeur. Cela est considéré comme essentiel pour parvenir à un coût précis des travaux.
Coûts des travaux : Il s'agit du coût direct des activités de maintenance planifiée sur le site. Des prix unitaires sont utilisés pour estimer le coût des travaux. Les coûts d’ installation de chantier, de gestion du trafic et des travaux préliminaires doit être inclus.
Coûts d'entretien courant : Il s'agit des coûts (directs) permanents liés au maintien d'un bien dans un état sûr et fonctionnel. Ces coûts excluent les activités cycliques telles que le balayage et le nettoyage (car il s'agit normalement de dépenses constantes qui ne varient pas en fonction des stratégies ou des types de traitement). Les coûts d'entretien courant doivent être pris en compte dans les plans de cycle de vie si des stratégies d'entretien concurrentes sont susceptibles d'entraîner des coûts permanents sensiblement différents.
Taux d’actualisation : L'actualisation est une technique utilisée pour comparer les coûts (et les bénéfices) qui se produisent à différents moments de la période d'analyse. Elle consiste à ajuster ces coûts (et avantages) futurs à leur valeur actuelle. Cette pratique permet de comparer des options de maintenance concurrentes sur une base commune, en ce sens qu'une fois qu'un taux d'actualisation a été sélectionné, il doit être appliqué de manière cohérente à toutes les options de maintenance envisagées. Dans le cas contraire, il sera impossible d'établir des comparaisons significatives entre les résultats de l'évaluation des coûts sur l'ensemble du cycle de vie.
Les résultats du processus de cycle de vie sont les suivants :
Stratégie d'investissement : Les stratégies d'entretien, le calendrier et les coûts (directs et indirects) déterminés ci-dessus permettront de produire un profil montrant les investissements futurs pour chaque année de la période d'analyse. En analysant les profils de coûts d'un programme de travaux, il est possible d'identifier les cas futurs où des travaux importants sur plusieurs projets pourraient coïncider au cours d'une même année. Ces cas peuvent poser des problèmes de financement à l'avenir (et créer des problèmes de gestion de réseau et de charge de travail). D'autres stratégies de maintenance peuvent alors être envisagées pour atténuer les pics de demande.
Coût actualisé des travaux: Il s'agit du coût actuel net de tous les besoins futurs en matière de maintenance. Il fournit une base de comparaison des différentes options de maintenance et indique le niveau d'investissement qui sera nécessaire pour faire face aux dépenses futures.
Une fois que le besoin de maintenance a été identifié, les paramètres d'entrée ci-dessus peuvent être utilisés pour entreprendre une analyse du cycle de vie en considérant la stratégie de maintenance à adopter :
Ne rien faire : dans le cadre de cette stratégie, l'organisation entreprendrait des réparations curativess pour les seuls défauts de sécurité. Ces réparations seront probablement superficielles et peut-être de nature temporaire. Les réparations n'arrêteraient pas le déclin de l'actif et de fréquentes inspections seront probablement nécessaires. À court terme, les coûts d'entretien courant seront probablement élevés en raison de la responsabilité permanente à assurer.
Faire le minimum : Dans le cadre de cette approche, l'organisation cherche à effectuer le minimum de travaux d'entretien courant pour maintenir le bien en sécurité et en état de marche. Les travaux seront normalement limités à la réparation des défauts de sécurité; les réparations seront normalement de nature permanente, bien qu'elles n'ajoutent aucune valeur à l'actif.
Dans le cadre d'un projet de chaussée, cette approche pourrait se limiter à la réparation permanente des nids de poule uniquement. Ces réparations seraient entreprises de manière isolée ou pourraient s'étendre à de petites parcelles.
Faire quelque chose : cette approche est susceptible d'impliquer des dépenses d'investissement de la part d'une organisation plutôt que des dépenses d’entretien courant. Elle peut inclure le remplacement important ou une réparation majeure d'un bien à un niveau qui améliorera sa durabilité à long terme et réduira au minimum l'entretien courant futur. Une approche proactive peut également être adoptée, ce qui signifie que la réparation a lieu avant que le niveau d'intervention ne soit atteint. Dans le contexte d'un projet de chaussée, cette approche pourrait prévoir le traitement d'une section de chaussée classée comme nécessitant un entretien.
Il est recommandé d'évaluer plus d'une stratégie "Faire quelquechose" pour chaque stratégie de maintien afin d'explorer la gamme des types de traitement disponibles. Pour les stratégies "Faire quelquechose", il faut tenir compte du moment où l'intervention de maintenance initiale doit être effectuée. Les options peuvent inclure
Si cette dernière option (différée) est choisie, les coûts supplémentaires d'entretien courant doivent être inclus dans le plan de cycle de vie. Dans le cadre d'un projet de chaussée, les approches ci-dessus pourraient être choisies. Par exemple, une chaussée approchant de la fin de sa durée de vie utile peut présenter des défauts de surface, tels que des nids de poule. Si le traitement initial est différé, il faudra alors, pendant la période de report, réexaminer le site (et peut-être même en élargir l’emprise) afin de réparer ces défauts. Les coûts de ces réparations doivent être inclus dans le plan de cycle de vie. Si le traitement initial est reporté, la structure de la chaussée peut se détériorer davantage. Cela peut entraîner la nécessité d'un traitement plus important que celui qui aurait été mis en œuvre si le site avait été réparé plus tôt. En considérant une plage de stratégies de traitement et de permutations sur les types et calendriers de l'intervention initiale, une stratégie d'entretien optimale peut être déterminée.
La stratégie de maintenance ayant la valeur actuelle nette (VAN) la plus faible est généralement considérée comme l'option la plus économiquement avantageuse (voir figure 2.4.3.3). L'évaluation des coûts sur toute la durée de vie n'est qu'un facteur parmi d'autres lors de la sélection de l'option de maintenance préférée. D'autres facteurs, tels que le jugement technique, l'exploitation du réseau, la constructibilité, l'accessibilité financière et la gestion des risques, exigent également d’être pris en considération.
Figure 2.4.3.3 Comparaison des strategies de maintenance (UKRLG et HMEP,2013)
Une organisation peut mettre en œuvre le processus ci-dessus en fonction de ses compétences et capacités, y compris la disponibilité des données et les modèles de performance, comme suit :
Lorsque les données disponibles sont insuffisantes, une approche plus fondamentale de la planification du cycle de vie peut suffire pour répondre aux besoins de l'organisation. Cependant, même les approches simplifiées nécessitent des données sur la hiérarchie des actifs, l'inventaire et la durée de vie (durée de vie estimée de l'option de traitement). Cette approche peut exiger que des hypothèses soient faites sur la base de l'expérience et des connaissances locales/techniques du personnel impliqué dans le processus. Cette expérience et ces connaissances peuvent porter sur les montants ainsi que sur les performances actuelles et futures prévues de l'actif. Toute hypothèse doit être documentée et tout risque important doit être exposé.
Une approche plus avancée nécessitera probablement des données de meilleure qualité pour la modélisation des performances ou de la détérioration afin de déterminer la durée de vie des traitements proposés (comme décrit ci-dessus). Par la suite, des investissements supplémentaires dans des outils de collecte de données et de gestion des actifs peuvent être nécessaires pour analyser et interroger ces données. Lorsque c'est le cas, il convient de justifier tout investissement supplémentaire en se basant sur les avantages et les gains d'efficacité qui peuvent être obtenus en adoptant une approche plus avancée.
La capacité d'une organisation à développer des modèles de performance et à modéliser la détérioration des actifs favorisera l'avancement de son approche de la planification du cycle de vie. Ces modèles ont la capacité de prédire les modes de détérioration et/ou d'échec des travaux proposés, ainsi que le moment de la prochaine intervention (le moment où l'actif atteint la fin de sa durée de vie utile). L'approche peut être avancée et très complexe ou simple, selon la capacité de l'organisation. Deux approches de la détérioration peuvent être envisagées :
Le processus de décision pour choisir la stratégie d'investissement doit s'aligner sur l'approche de la gestion des actifs et, en particulier, fournir le moyen le plus efficace et le plus abordable d'atteindre les exigences de performance. En règle générale, la sélection des stratégies d'entretien tient compte des éléments suivants :
Un certain nombre de technique peuvent être utilisées pour choisir une stratégie d’investissement, dont certaines sont listées ci-dessous. Le guide international de la maintenance des infrastructures donne aussi des conseils sur ces techniques de prise de décision ( The International Infrastructure Maintenance Manual - IIMM, 2015)
L'évaluation fondée sur le risque vise à minimiser le risque associé à l'actif grâce à une stratégie d'investissement tout en garantissant que les risques éventuels sont gérés au moindre coût. L'approche de la gestion des risques est décrite au point 2.3. L'évaluation des risques peut être utilisée comme une technique de prise de décision en soi ou être considérée avec les autres techniques d'aide à la décision décrites ci-dessous.
Le coût sur toute la durée de vie est une analyse coûts-avantages qui quantifie les coûts d'investissement, y compris le coût du traitement et des interventions d'entretien ultérieures, par rapport aux avantages économiques, notamment la sécurité, les retards de circulation et la pollution. Ces coûts doivent être évalués pour chaque stratégie de maintenance. La stratégie de maintenance ayant la VAN la plus faible sur la période d'analyse fournit le coût le plus bas sur l'ensemble du cycle de vie. Les coûts peuvent être déterminés comme décrit ci-dessus. Les avantages doivent être déterminés par chaque organisation et considérés dans le contexte de son approche globale de la gestion des actifs.
L'analyse multicritères peut être utilisée pour hiérarchiser les diverses options de traitement parmi lesquelles la stratégie de maintenance peut être choisie. Un certain nombre de critères peuvent être sélectionnés qui s'alignent sur les niveaux de service et/ou les buts et objectifs de l'organisation. En général, il peut s'agir de la sécurité, de la facilité d'entretien, de la durabilité et de l'accessibilité. Une pondération visant à démontrer l'importance relative de ces facteurs peut être choisie, à partir de laquelle une note globale est déterminée. La nécessité de satisfaire aux exigences réglementaires doit être reflétée dans la notation. Cette technique peut être utilisée lorsque les avantages et les coûts sont moins tangibles à définir. Toutefois, elle permet une évaluation qualitative aussi bien que quantitative.
Les coûts retenus pour toute activité d'entretien courant et de renouvellement des actifs doivent être aussi fiables que possible. Le choix de la stratégie de maintenance peut être sensible à l'exactitude de ces informations.
Un processus rigoureux devrait être mis en place pour la collecte et l'enregistrement des données sur les coûts pour permettre la planification du cycle de vie. Ces données sur les coûts peuvent être différentes des taux contractuels actuels parce que les données tiennent compte d'autres facteurs, tels que les frais généraux.
Les taux utilisés doivent tenir compte de l'inflation et être revus et mis à jour à mesure que de nouvelles informations sur les coûts sont disponibles. La source de toutes les données sur les coûts doit être référencée.
L'accumulation de données sur les coûts est susceptible d'inclure un certain nombre d'hypothèses, telles que l'inclusion de la gestion du trafic, les frais généraux des entreprises contractantes, la conception du projet et les coûts de supervision. Ces informations peuvent ne pas être directement disponibles à partir des taux unitaires, qui peuvent être obtenus auprès de sources telles que les contrats de maintenance à durée déterminée ou les contrats-cadres. Il convient donc de faire preuve de prudence dans l'établissement des prix unitaires afin de prendre en compte ces postes de coûts.
Le résultat du processus de planification du cycle de vie est une stratégie d'investissement pour le patrimoine d'infrastructure routière qui comprend un groupe d'actifs et ses composants, est finançable et fournit la performance requise au coût minimum. Pour atteindre ce résultat, la stratégie d'investissement doit également épauler la stratégie de gestion des actifs. Un certain nombre d'itérations, avec différentes stratégies de maintenance, peuvent être nécessaires pour optimiser la stratégie d'investissement.
Lors de l'élaboration d'une stratégie d'investissement, les questions suivantes doivent être prises en compte :
Quel est le niveau de performance requis pour maintenir un état stable et quel est le budget requis ?
Les plans de cycle de vie peuvent être utilisés pour démontrer l'investissement nécessaire pour maintenir l'actif à son niveau de performance actuel. Cela est utile dans les cas où les organisations sont satisfaites des performances de leurs réseaux et pour comparer l'impact de différents scénarios de financement.
Quel est le niveau de performance qui peut être atteint avec un budget fixe ?
Lorsqu'une organisation dispose d'un financement fixe, la planification du cycle de vie peut être utilisée pour déterminer la performance de l'actif pour le financement alloué. Elle peut également être utilisée pour cibler ou prioriser le financement dans les domaines qui en ont le plus besoin et pour démontrer l'effet d'une réduction du financement sur la performance des actifs à court, moyen et long terme.
Quel est le budget nécessaire pour obtenir les résultats requis ?
Les organisations peuvent utiliser la planification du cycle de vie pour déterminer les besoins budgétaires futurs. Des objectifs de performance peuvent être sélectionnés pour une hiérarchie de groupes d'actifs et de leurs composantes. Ce faisant, les organisations peuvent souhaiter prendre en compte le travail nécessaire pour maintenir les exigences de performance convenues et les éventuels écarts de performance.
Quelles sont les considérations relatives aux actifs croisés ?
Aucune organisation ne disposera de fonds illimités pour investir dans un actif. Les techniques de hiérarchisation croisée des actifs, ou "trade-off", peuvent être utilisées pour déterminer où les budgets sont dépensés le plus efficacement ou au moindre coût. Il est essentiel de prendre en compte le risque, le coût et le rendement associés à chaque actif.
Quel est le calendrier ?
Les plans de cycle de vie doivent être préparés pour une période d'au moins 10 ans.
Les plans de cycle de vie sont essentiels pour aider les décideurs de haut niveau à élaborer leurs plans financiers et pour justifier tout financement supplémentaire nécessaire pour atteindre les performances requises. De même, ils fournissent des preuves de l'effet sur l'actif si le financement n'est pas disponible et de l'effet sur la performance future de l'actif.
Lorsque les organisations élaborent des programmes de maintenance (par exemple des plans de cycle de vie), elles doivent s'assurer que leur personnel est correctement formé et dispose des ressources nécessaires pour mettre en place des programmes durables et réalistes. Les organisations doivent choisir des méthodes adéquates de planification de la gestion des actifs (par exemple, l'approche du cycle de vie) en fonction de leur maturité, de leurs besoins et de leurs ressources.
Les niveaux de maturité d'une organisation qui entreprend la planification du cycle de vie sont indiqués dans le tableau 2.4.9. Les organisations peuvent évaluer leur maturité par rapport à cette échelle.
Tableau 2.4.9 Niveaux de maturité de la planification du cycle de vie
United Kingdom Roads Liaison Group (UKRLG) and Roads Maintenance Efficiency Programme (HMEP) (2013): Road Infrastructure Asset Management Guidance Document. Department for Transport, London. Last accessed July 24, 2015. http://www.ukroadsliaisongroup.org/en/utilities/document-summary.cfm?docid=5C49F48E-1CE0-477F-933ACBFA169AF8CB.
IIMM (2015): IIMM - International Infrastructure Maintenance Manual. IPWEA, Institute of public works Australasia, 5th Edition, Australia, 2015.
HDM-4 (2004): HDM-4 – The Highway Development and Management Series. World Road Association (PIARC/AIPCR), Paris, 2004.
PIARC 2000. Whole Life Costing of Roads – Flexible Pavements, Technical Committee 8 – Flexible Roads, ISBN: 2-94060-119-2 (https://www.piarc.org/ressources/publications/1/3762,08-09-e.pdf).
Les études de cas suivantes sont présentées dans ce chapitre :
L'outil de développement et de gestion des routes (HDM-4) est un outil d'analyse, de planification, de gestion et d'évaluation de l'entretien, des améliorations et des décisions d'investissement dans le domaine routier. En 1998, l'AIPCR s'est vu confier la propriété intellectuelle de HDM-4 au nom de ses parties prenantes initiales (HDM-4, 2004). Le cadre analytique de HDM-4 est basé sur le concept de l'analyse du cycle de vie des chaussées et est appliqué pour prévoir les éléments suivants sur la période de planification du cycle de vie d'une chaussée (généralement 15 à 40 ans) :
Le modèle prévoit la détérioration des routes en fonction des caractéristiques de construction de la chaussée, de la charge de trafic et des conditions climatiques et est directement affecté par les normes d'entretien et d'amélioration appliquées pour réparer les défauts calculés. L'état à long terme de la chaussée dépend de l'application de ces normes d'entretien et d'amélioration. Par conséquent, HDM-4 peut déterminer les coûts nécessaires pour entretenir la route selon une norme définie par l'utilisateur au sein de HDM-4. Les impacts des normes d'état et de conception de la route sur les usagers sont quantifiés en termes de coûts pour l'usager, qui se composent comme suit :
Les effets socio-économiques comprennent les émissions des véhicules, la consommation d'énergie et d'autres avantages sociaux pour la population desservie par le réseau routier analysé. HDM-4 est conçu pour faire des estimations de coûts comparatives et des analyses économiques de différentes options d'investissement ou de stratégies d'entretien des routes. Le bénéfice économique de chaque stratégie d'investissement routier est déterminé en comparant les flux de coûts totaux (agence de transport, usagers de la route et coûts socio-économiques) par rapport à une norme minimale, comme l'illustre la figure 2.4.11.1.
igure 2.4.11.1 Comparaison des flux de coûts totaux par rapport à une norme minimale (HDM-4,2004)
HDM-4 peut être utilisé dans le processus de planification du cycle de vie en déterminant les avantages, les coûts, l'efficacité économique et les performances fonctionnelles du réseau en appliquant différentes normes de maintenance et d'amélioration du réseau analysé. HDM-4 permet également aux organisations de déterminer les activités de maintenance les plus rentables à réaliser lorsque les budgets ne sont pas suffisants pour effectuer tous les travaux indiqués.
ALFRED WENINGER-VYCUDIL, PMS-Consult – Deighton Europe, Austria
Le système autrichien de gestion des chaussées est utilisé pour un processus de planification objective de l'entretien à l'échelle du réseau, en tenant compte des différents aspects et des exigences des différents niveaux de décision (niveau du projet, niveau du réseau, niveau politique). Actuellement, il est appliqué sur l'ensemble du réseau routier fédéral (autoroutes et voies rapides) d'une longueur totale de plus de 2 200 km ainsi que sur le réseau routier des États dans 7 des 9 États autrichiens (Vorarlberg, Tyrol, Salzbourg, Styrie, Haute-Autriche, Basse-Autriche et Burgenland). En outre, une approche similaire est utilisée pour évaluer les chaussées des routes communautaires et les chaussées des routes rurales dans 3 États autrichiens.
Le système utilisé pour la planification de l'entretien systématique des chaussées est basé sur l'analyse du coût du cycle de vie (ACV) qui fournit un cadre de décision pour les mesures d'entretien afin d'optimiser l'efficacité en termes d'utilisation des ressources disponibles ou en termes d'état des chaussées. La procédure utilise des analyses coûts-avantages ainsi qu'un processus d'optimisation heuristique pour identifier la stratégie de traitement d'entretien optimale dans un ensemble de conditions données.
L'une des tâches clés tout au long du processus décisionnel est la mise en évidence des besoins en matière de budget d'entretien pour les différents actifs. Ce résultat permet aux autorités de l'administration des routes de montrer clairement aux décideurs politiques l'évolution à long terme de la répartition de l'état de la chaussée pour différents budgets ou niveaux de service et également les conséquences des réductions du financement de l'entretien des routes. Les résultats de l'analyse du cycle de vie comprennent :
La prévision de l'état futur à l'aide de l'analyse du cycle de vie est le moyen le plus efficace de gérer les chaussées et offre différentes possibilités à l'administration des routes. L'analyse permet à l'administration des routes d'évaluer différentes options pour la gestion de leurs chaussées. L'évaluation des différentes stratégies de traitement d'entretien au niveau d'un tronçon constitue une base complète pour la définition des programmes de construction de chaussées à court et moyen terme. Les résultats à long terme permettent de planifier et d'optimiser le budget, l'entretien et la réhabilitation. Les phases comportant des investissements élevés peuvent être détectées à un stade précoce et des programmes d'investissement spécifiques peuvent être préparés à l'avance.
Les systèmes avancés comme le PMS autrichien cherchent à évaluer le besoin de mesures d'entretien et de financement de l'entretien sur une période déterminée, à l'étude ou sous observation, sur la base de prévisions de la performance des chaussées. Le PMS autrichien utilise des fonctions de performance déterministes pour la prédiction de la performance des chaussées. Ces modèles ont été directement dérivés des données disponibles dans le cadre de différents projets de recherche financés par l'ASFINAG (autoroutes et voies rapides) et le ministère fédéral des transports, de l'innovation et de la technologie (BMVIT) pour les routes nationales.
Dans le cadre de l'analyse PMS, différentes données relatives à la maintenance sont incluses comme suit :
Étant donné qu'en règle générale, chaque indicateur de performance (caractéristique) ne représente qu'un aspect ou une propriété de la chaussée, les valeurs dimensionnelles individuelles (paramètres techniques) obtenues pour les différentes caractéristiques doivent d'abord être normalisées en tant qu'indices sans dimension, puis agrégées en sous-indices en appliquant des règles de pondération et de combinaison, et enfin agrégées en un indice global.
Pour la transformation des valeurs dimensionnelles, des fonctions de normalisation (normalisation) ont été définies qui permettent d'évaluer les dommages ou défauts en fonction de l'importance de la section de route (autoroute, voie express, route nationale). Les valeurs sans dimension ainsi obtenues, sont agrégées en appliquant des règles de pondération et de combinaison pour obtenir un indice de confort et de sécurité (CSI) exprimant la sécurité et le confort de conduite et en un indice structurel (SI) qui représente la capacité structurelle de la chaussée.
L'indice d'état total (IET) résultant des sous-indices peut être utilisé pour calculer le bénéfice d'une stratégie de maintenance ainsi que pour définir la fonction cible dans le cadre du processus d'optimisation.
Le résultat d'une analyse est une proposition de stratégie de traitement d'entretien optimale pour chaque tronçon de route analysé (en fonction des conditions définies), qui peut être utilisée pour une évaluation ultérieure au niveau du projet. En agrégeant les résultats par section, on peut également évaluer l'évolution en termes de coût et d'état des chaussées sur l'ensemble du réseau et, enfin, déterminer les besoins d'entretien optimal. Les deux figures suivantes montrent un exemple d'analyse, où la figure 2.4.11.2 représente une répartition de l'état de la chaussée et la figure 2.4.11.3 montre l'évolution du retard de maintenance (maintenance backlog) pour différents sous-réseaux (sub-networks) sous forme de comparaison.
Figure 2.4.11.2 Distribution des valeurs de l'indice de condition total (ICT) pour le scenario “Status Quo”
Figure 2.4.11.3 Effet d'un retard de maintenance sur les sous classes de reseau (longueur Total Condition Index (TCI) mauvais ou très mauvais)
Figure 2.4.11.4 Capture d'écran dTIMS - Application PMS autrichienne - Fenêtre LCC
Les systèmes de gestion des chaussées utilisant l'analyse du coût du cycle de vie sont devenus une norme dans de nombreux pays du monde entier au cours des 30 dernières années. En plus de disposer d'un instrument objectif pour souligner la nécessité des investissements d'entretien, la solution permet à l'administration des routes de modéliser l'état futur et les besoins d'investissement pour des segments de route individuels et pour le réseau global. L'Autriche est un bon exemple de la manière dont l'analyse du coût du cycle de vie a été et sera utilisée comme outil de planification technique et stratégique sur les différents réseaux routiers.