De nombreuses organisations routières dans le monde fonctionnent encore selon une structure en silo, dans laquelle les différentes questions physiques et opérationnelles telles que la capacité et la sécurité des routes sont gérées séparément, c'est-à-dire sans tenir compte des objectifs stratégiques communs. En conséquence, les organisations ont tendance à se concentrer sur une gestion à court terme, au niveau du projet, du patrimoine routier, ce qui, dans un contexte marqué par la pénurie de ressources et les demandes contradictoires des parties prenantes, rend difficile l'atteinte des objectifs de performance au niveau du réseau.
Ce chapitre aborde plusieurs sujets liés à l'adaptation de la structure d'une organisation routière pour libérer le potentiel de la gestion de patrimoine et aider l'organisation à atteindre ses objectifs. Ces sujets comprennent le leadership et la culture, l'auto-évaluation des pratiques actuelles de gestion de patrimoine, les champions de la gestion de patrimoine et leur rôle crucial dans la promotion des changements nécessaires, et la structure organisationnelle adaptée à la mise en œuvre de la gestion de patrimoine. Il couvre également les compétences du personnel qui devraient être développées pour répondre aux exigences de la gestion de patrimoine, relevant d'un certain nombre de domaines de connaissance, ce qui montre la nature multidisciplinaire de la gestion de patrimoine.
Pour que la gestion de patrimoine soit réussie, une organisation routière doit avoir en place une structure d'entreprise qui facilite la mise en œuvre et la réalisation de la gestion de patrimoine par un personnel compétent et dûment habilité (UKRLG et HMEP 2013). Cette structure organisationnelle doit être pleinement soutenue par la direction.
L'évaluation des pratiques actuelles de gestion de patrimoine peut révéler la nécessité d'un changement important dans l'entreprise pour atteindre le potentiel de la gestion de patrimoine. En fonction des différences entre la pratique réelle et la pratique recommandée, la mise en œuvre d'une stratégie de changement globale peut être nécessaire, qui devrait être conduite par l'organisation qui essaie d'atteindre le niveau de maturité.
La stratégie de changement doit identifier ce qui doit être fait et comment les dirigeants de l'organisation vont impliquer et motiver le personnel pour obtenir les avantages recherchés. Les processus typiques de ce changement d'entreprise comprennent l'intégration de la gestion de patrimoine dans les processus commerciaux et la culture organisationnelle, l'établissement des rôles de gestion de patrimoine et la définition de normes de gestion des performances (groupe de travail d'experts en gestion de patrimoine de transport de la FHWA 2013). Ces normes, en particulier, peuvent être soutenues par des accords d'agence avec le gouvernement.
De nombreuses organisations routières dans le monde fonctionnent encore selon une structure organisationnelle en silo, dans laquelle les services responsables de la gestion des différents types d'éléments de patrimoine (chaussées, ponts, remblais, etc.) fonctionnent presque isolément, sans vision intégrée pour atteindre les objectifs de l'entreprise. La gestion de patrimoine vise à aligner et à relier les processus afin que toutes les unités opérationnelles d'une agence fonctionnent de manière coordonnée plutôt qu'indépendante (FHWA 2012), sur la base d'une vision unifiée de la politique et de la stratégie de gestion de patrimoine adoptée au niveau de la direction (UKRLG et HMEP 2013).
Souvent, l'adoption de la structure de gestion de patrimoine présentera des défis plus importants que la mise en œuvre de nouvelles procédures techniques ou analytiques (FHWA 2012). Cela pourrait être particulièrement le cas dans les pays en voie de développement, où les ressources et le personnel nécessaires au changement institutionnel pourraient ne pas être disponibles, ce qui entraverait la mise en œuvre de la gestion de patrimoine. Dans de telles circonstances, les partisans du changement doivent généralement déployer des efforts plus importants pour plaider en faveur de la gestion de patrimoine.
Les changements requis pour adopter le cadre de gestion de patrimoine impliquent généralement une transformation profonde de l'organisation routière, qui doit être soutenue par un leadership et un engagement forts. Cette direction doit être en place dès que la nécessité de mettre en œuvre la gestion de patrimoine est reconnue, de sorte que l'organisation procède, dans un premier temps, à un exercice d'auto-évaluation pour identifier les changements nécessaires. Très souvent, les premières étapes d'une transformation de l'entreprise sont activement encouragées par les promoteurs/acteurs de la gestion de patrimoine.
Les résultats de l'exercice d'auto-évaluation comprennent généralement des processus commerciaux, flux de travail, activités ou outils nouveaux ou modifiés qui doivent être mis en pratique. En général, les structures organisationnelles qui existaient avant l'adoption de la gestion de patrimoine sont inappropriées pour accueillir ces innovations en douceur, et, par conséquent, la forme de l'organisation routière doit être repensée pour établir les rôles et les flux d'information qui serviront mieux l'approche choisie pour la gestion de patrimoine. En outre, les nouveaux rôles exigeront probablement de nouvelles compétences du personnel qui vont bien au-delà des domaines traditionnels de l'ingénierie routière.
Les sections suivantes fournissent de plus amples détails concernant le leadership et la culture, l'auto-évaluation, les champions, les rôles de gestion de patrimoine et les exigences en matière de compétences.
Le leadership a une forte influence sur la culture et le comportement de toutes les organisations. Une orientation et des priorités claires garantiront que les décisions tant importantes qu’apparemment mineures prises dans l'ensemble de l'organisation soutiennent une approche cohérente pour atteindre les objectifs de l'entreprise. Ces décisions comprennent des décisions d'investissement appropriées pour refléter la stratégie de gestion de patrimoine (UKRLG et HMEP 2013).
Vous trouverez ci-dessous une liste de certains aspects pertinents du leadership et de la culture organisationnelle appliqués à la gestion de patrimoine :
L'objectif de l'auto-évaluation est de comparer les pratiques actuelles de gestion de patrimoine de l'organisation et d'identifier les possibilités spécifiques d'amélioration (Cambridge Systematics et al. 2002). Les principaux objectifs de l'auto-évaluation sont les suivants :
L'une des étapes les plus importantes de la mise en œuvre de la gestion de patrimoine consiste à identifier les politiques et les objectifs organisationnels à atteindre, qui définiront les priorités les plus importantes de l'agence. La gestion de patrimoine est un processus de gestion et de prise de décision axé sur le client et piloté par objectifs.
Les objectifs, les politiques et les budgets de l'organisation établissent une philosophie d'évaluation cohérente. Les objectifs et les mesures de performance sont les leviers qui orientent le cadre décisionnel, en établissant des scénarios d'investissement qui reflètent les niveaux de service et en engageant des ressources en fonction des besoins perçus par les parties prenantes. Les procédures d'analyse concernant les options alternatives sont utilisées dans ce cadre (FHWA 2012).
Il semble universel que, au moins dans les premières étapes de la mise en œuvre d'un cadre de gestion de patrimoine, il faudra un champion, qui peut être toute personne ayant suffisamment d'intérêt et d'influence pour promouvoir les changements organisationnels. Un champion peut être désigné par un membre de l'encadrement supérieur ou simplement émerger parmi les membres des groupes concernés. Dans tous les cas, un champion est quelqu'un qui ne se repose pas tant que la mission n'est pas accomplie. Les candidats champions sont les suivants :
Le champion de la mise en œuvre d'un cadre de gestion de patrimoine devra relever le défi de p dans toutes les délibérations et tous les débats sur les raisons pour lesquelles une telle approche différenciée est nécessaire.
Les arguments concernant l'importance unique du système routier, les avantages (et la complexité) d'une approche fondée sur le risque, la nécessité de stratégies d'atténuation et de plans d'urgence, et les intérêts des parties prenantes sont susceptibles d'être pertinents pour le champion (Cambridge Systematics et al. 2009).
En concevant la structure organisationnelle la plus appropriée pour soutenir la gestion de patrimoine, les organisations routières peuvent choisir une approche centralisée ou décentralisée. Si la première facilite la cohérence des processus et des méthodes de travail, elle comporte également le risque de faire paraître la gestion du patrimoine d’infrastructures éloignée pour les responsables locaux de la prestation de services, qui peuvent ne pas comprendre pleinement les politiques définies au niveau central. D'autre part, dans certaines circonstances, une structure décentralisée peut aboutir à une approche et une culture fragmentées de la gestion de patrimoine.
Quel que soit le type d'organisation choisi, les rôles et les relations qui sous-tendent la gestion de patrimoine doivent clairement établir les niveaux stratégique, tactique et opérationnel au sein d'une organisation, comme le montre le tableau 1.2.2.4 (UKRLG et HMEP 2013).
Tableau 1.2.2.4 : HIERARCHIE ORGANISATIONNELLE (UKRLG et HMEP 2013)
Les fonctions de gestion de patrimoine incluses sont abordées tout au long de ce manuel.
Les rôles clés pour le développement et la mise en œuvre de la gestion de patrimoine intègrent les suivants (UKRLG et HMEP 2013) :
Les positions et les relations réelles entre ces rôles qui devraient être définies au sein de chaque organisation dépendent largement des résultats de l'exercice d'auto-évaluation.
Au niveau basique de maturité, la gestion de patrimoine peut ne reposer que sur une personne ou un petit groupe avec une formation et expérience multi-disciplinaire. Lorsque l'organisation passe à un niveau de compétence plus élevé, la gestion de patrimoineimpliquera l’es efforts coordonnés de différents groupes de travails et de multiples personnes.
Définir de nouveaux rôles et gérer la transition d'un petit groupe vers une équipe de gestion de patrimoine formelle et mature est une tâche importante de leadership (FHWA Transportation Asset Management Expert Task Group & AASHTO 2013). Il faut tenir compte des attentes des individus, des équipes et de l'organisation, ainsi qu'une vision de la manière dont le processus va évoluer au fur et à mesure de la mise en place et du développement de l'équipe officielle de gestion de patrimoine.
La figure 1.2.2.4.1 montre un exemple de composition d'une équipe transitoire de gestion de patrimoine.
Figure 1.2.2.4.1 Exemple d'une structure de direction transitoire (basée sur le groupe de travail d'experts en gestion de patrimoine de transport de la FHWA 2013)
Comme pour tout grand projet dans une organisation routière, la refonte de la structure de l'entreprise nécessite un gestionnaire ou un chef de projet, qui y consacrera la majeure partie de son temps. Un candidat possible pour jouer ce rôle pourrait être le directeur général de l'organisation ou un cadre supérieur dûment habilité. La compétence la plus importante du chef de projet sera probablement sa capacité à constituer des équipes. La liste des attributs de cette personne devrait également inclure la motivation et la pugnacité nécessaire pour surmonter les obstacles inévitables qui apparaissent chaque fois qu'un changement organisationnel est tenté. Le chef de projet peut être issu d'une formation en ingénierie, en économie ou en planification ou, de préférence, d'une combinaison de plusieurs de ces disciplines.
Un comité de pilotage composé de cadres supérieurs, supervisant le travail du responsable de la gestion de patrimoine, est également essentiel pour garantir que toutes les parties du processus de gestion de patrimoine fonctionnent ensemble comme une unité. Des ressources suffisantes sont essentielles à la mise en œuvre efficace de la gestion de patrimoine, y compris une formation adéquate du personnel de l'agence pour garantir la disponibilité des compétences et de la compréhension nécessaires pour mettre en œuvre avec succès la gestion de patrimoine.
Il convient ensuite d'élaborer des descriptions de rôle claires pour les personnes chargées des tâches et des exigences en matière de gestion de patrimoine. Il est probable que de nouvelles exigences en matière de compétences au sein de l'organisation et des programmes de formation en gestion de patrimoine viendront appuyer les changements proposés.
Comme indiqué précédemment, il n'existe pas de méthode unique pour définir les rôles en matière de gestion de patrimoine. Cependant, une structure organisationnelle adaptée à la gestion de patrimoine comprend généralement les rôles décrits dans la figure 1.2.2.4.2 (UKRLG et HMEP 2013).
Figure 1.2.2.4.2 Rôles classqiues dans la gestion de patrimoine (basée sur UKRLG et HMEP 2013)
La direction devra identifier les compétences nécessaires pour répondre aux exigences permettant la mise en place de la gestion de patrimoine.Lorsque ces compétences ne sont pas disponibles dans l'organisation, une formation du personnel peut être nécessaire. Le recrutement, le mentorat ou la collaboration avec d'autres autorités peuvent également être envisagés (UKRLG et HMEP 2013).
Si les compétences ou les ressources ne sont pas disponibles, un soutien externe peut être un moyen efficace de combler les lacunes, en particulier lorsqu'il est nécessaire de renforcer les capacités au sein de l'organisation. Il est important que la propriété (intellectuelle et des données) soit conservée au sein de l'organisme et que le personnel chargé de la gestion de patrimoine ait suffisamment de connaissances pour être des acheteurs avisés.
Les compétences relèvent d'un certain nombre de catégories, dont les suivantes :
Il existe un certain nombre de ressources internationales de formation à la gestion de patrimoine, dont certaines sont accessibles gratuitement. Il s'agit notamment des ressources suivantes :
Cambridge Systematics, Inc., Applied Research Associates, Inc., Arora and Associates, KLS Engineering, PB Consult, Inc., and Louis Lambert. 2009. NCHRP Report 632: An Asset-Management Framework for the Interstate Highway System. Transportation Research Board of the National Academies. Washington, DC. Last accessed July 24, 2015 at http://onlinepubs.trb.org/onlinepubs/nchrp/nchrp_rpt_632.pdf.
Cambridge Systematics, Inc., Parsons Brinckerhoff Quade & Douglas, Inc., Ray Jorgenson Associates, Inc., and Paul D. Thompson. 2002. Transportation Asset Management Guide. American Association of State Highway and Transportation Officials. Washingtom, D.C.
Federal Highway Administration (FHWA). 2012. Executive Brief: Advancing a Transportation Asset Management Approach. Federal Highway Administration Office of Asset Management. Washington, DC. Last accessed July 29, 2015. http://www.fhwa.dot.gov/asset/pubs/if12034.pdf.
Federal Highway Administration (FHWA) Transportation Asset Management Expert Task Group. 2013. AASHTO Asset Management Guide—A Focus on Implementation. Executive Summary. American Association of State Highway and Transportation Officials. Washington, DC. Last accessed July 29, 2015. http://www.fhwa.dot.gov/asset/pubs/hif13047.pdf.
United Kingdom Roads Liaison Group (UKRLG) and Highways Maintenance Efficiency Programme (HMEP). 2013. Highway Infrastructure Asset Management Guidance Document. Department for Transport, London. Last accessed July 24, 2015. www.ukroadsliaisongroup.org/download.cfm/docid/5C49F48E-1CE0-477F-933ACBFA169AF8CB
Ces pratiques ont été testées à plusieurs reprises et des études de cas sont en cours de préparation. Elles seront présentées ici lorsqu'elles seront disponibles. Si vous souhaitez partager une étude de cas, veuillez contacter assetmanagementmanual@piarc.org.